Cette zone grise qui nous évite la pasteurisation.
Certains d’entre vous ont peut-être remarqué la recrudescence des fromages de lait thermisé depuis la crise de la listériose de 2008. On se souvient tous de cet épisode tragique pour nos fromagers où non seulement la production de fromages fut anéantie par les inspecteurs du MAPAQ, mais ces derniers fromagers ont aussi perdus les tests et échantillons en développement pour créer de nouveaux fromages. Tout fut javellisé.
Bien que la réaction du MAPAQ fut reconnue exagéré par plusieurs organismes indépendants et un groupe d’enquête, il n’en demeure pas moins que les normes elles, celles qui permettent de faire du fromage au lait cru, ont grandement changés.
Bien qu’il demeure légal de produire de ces fromages au goût incomparable aux produits pasteurisés, il devient de plus en plus difficile de le faire, les réglementations se resserrant.
Quelques fromagers ont fermé leurs portes, refusant de pasteuriser leurs recettes, d’autre ont plongés dans la pasteurisation, ce qui dénatura le fromage, ne pouvant développer des profils de goût similaire à un lait cru. Mais un grand nombre c’est tourné vers la thermisation du lait, une sorte de compromis entre le lait cru et la pasteurisation.
Qu’est-ce que la pasteurisation?
La pasteurisation, popularisée surtout au début du siècle dernier, est un processus de chauffage et d’application de pression de plusieurs tonnes sur le lait pour en détruire la totalité des bactéries, bonnes comme pathogènes qui se retrouvent dans le lait. La pasteurisation tue littéralement le lait qui est la base un aliment vivant.
En chauffant le lait à près de 70 degrés Celsius, l’on ne perd pas seulement les pathogènes, mais on détruit littéralement tous les ferments lactiques, ce qui rend impossible la fabrication du fromage sans ajouter des ferments artificiels et de la caséine.
Malgré la présence de quelques fromages pasteurisés au goût intéressant comparé à il y a 10 ans, l’impacte sur le goût demeure manifeste. En fait nous ne pouvons retrouver toute la complexité et la subtilité d’un profil organoleptique dans un fromage pasteurisé comme il est possible de le retrouver dans un fromage de lait cru. C’est comme retirer toutes les notes à un orchestre et les obliger à jouer une mélodie avec 2 ou 3 notes sur des instruments mal ajustés.
Et l’avantage de la thermisation?
La thermisation, c’est une sorte de compromis pour les producteurs qui demeure une zone grise dans la réglementation du MAPAQ. Il s’agit d’un traitement à la chaleur du lait pour éliminer la majorité des pathogènes potentiels, mais qui ne détruit pas entièrement la flore bactérienne ni les ferments lactiques. Pour reprendre l’exemple de la gamme plus haut, c’est utiliser la moitié des notes disponibles à la base.
En clair, il s’agit d’un chauffage du lait entre 50 et 60 degrés Celsius, pour une durée d’environs 15 minutes ou plus et sans appliquer de pression sur le lait.
De la peur du lait cru!
Mais cette solution est temporaire, comme un diachylon que nous apposons sur une plaie. Le réel problème est issu de toutes les campagnes de peur que nous font vivre les industriels et les pouvoirs de l’État sur la dangerosité du lait cru, même dans un fromage.
Le lait cru comme tel n’est aucunement dangereux, pour autant qu’il fasse l’objet d’une production contrôlée et pour une consommation responsable et dans un court délai. La seule raison d’ailleurs pourquoi il est interdit d’acheter du lait cru, c’est principalement, car il n’est pas adapté à la grande distribution et aux industriels.
Pour les fromages, tant que les artisans seront consciencieux, nous éviterons les dangers de contamination à la listeria monocytogène ou à l’Escherichia Coli. Les industriels ne sont pas moins vulnérables aux contaminations, en fait la dernière contamination de fromages à la Listeria fut dans une usine de fromages pasteurisés d’un industriel bien connu.
En conclusion :
Le lait thermisé est un compromis pour le moment aux fromages de lait cru, qui permet tout de même une faible expression du terroir, mais sincèrement, je vous encourage à soutenir les producteurs de fromages de lait cru, à en consommer et aussi à vous informer au-delà des campagnes de peurs des industriels qui désirent dans le fond mettre la main sur un marché lucratif et réglementé que pour eux, étouffant les petits artisans.