Un coffret, des livres
Le titre peut sembler intrigant, voir grotesque pour plusieurs Nord-Américains, mais c’est pourtant le titre du dernier coffret de livres publiés par le Chef Yannick Alléno du Meurice de Paris, trois fois étoilées Michelin.
L’auteur nous présente en fait un coffret de trois documents, soit un livre « Recettes », un second « Galerie » en plus d’un journal « La feuille de chou ».
Ce coffret est publié par la maison Laymon (Paris) et seulement distribué en Europe pour le moment. Cependant, il est fort à parier que vous pourrez vous en procurer une copie en faisant une commande à la Librairie gourmande du Marché Jean-Talon.
Recettes
Mi-livre de recette, mi-livre de design culinaire, ce livre nous propose les recettes des classiques de la carte « terroir » du Meurice. Assurément des images à vous en mettre l’eau à la bouche, les recettes ont le mérite d’être bien écrites et simples à comprendre. On s’imagine facilement réaliser des plats semblables aux photos.
Fait marquant de ce livre, outre ces délectables recettes, ce sont quelques montages photo inclus dans l’ouvrage qui ont un air fortement politique.
Une photo de balles de foin devant le Louvre, ou encore une marche militaire de pommes de terre devant l’arche de triomphe sont présentes pour vous étonner, vous faire réagir.
Galerie
Il s’agit d’une collection de clichés par Jean François Mallet qui illustre de façons très soignées les différents aliments issus des microterroirs parisiens ainsi que les producteurs qui font vivre ces produits propre à cette région.
La feuille de chou
Cet ouvrage est plus particulièrement dédié à la démarche du chef et de ses acolytes et explique la nécessiter d’un tel coffret et de porter une si grande attention aux microterroirs parisiens.
Une rencontre
J’ai eu la chance de faire la rencontre de ce chef réputé dans le cadre d’un atelier du goût de la série « nourrir la ville » au Salone del Gusto, à Turin (Italie)
M. Alléno nous a expliqué sa démarche de création culinaire pour le menu « terroir » du Meurice, en se basant sur les anciens microterroirs de la région de Paris et d’Île-de-France. En réalité, il s’agit d’une démarche pour « réhabiliter la mémoire gustative de l’Île-de-France »
Le travail s’est effectué de pair avec un organisme qui distribue des produits régionaux aux chefs du Tout-Paris, mais aussi avec la collaboration d’aujourd’hui, sur la carte « terroir » du Meurice, 70% des aliments constituant le repas proviennent directement de la région de Paris ou d’Île-de-France, comparativement à une proportion de 30% sur les menus réguliers.
Un tel menu n’est possible que par le soutien direct des restaurateurs aux quelques producteurs qui font persister une quarantaine de produits patrimoniaux propres à la région sur les 250 environs, répertoriés précédemment les grandes guerres.
Passéiste les terroirs?
Au contraire du Québec où nous en sommes à créer nos terroirs, bien des Français voient cette notion comme passéiste. C’est bien de cette vision que le chef Alléno tente de se dissocier et de redonner une noblesse à ces produits d’exception.
Le but, offrir une cuisine actuelle et savoureuse, une réinterprétation de ces produits qui marquent le patrimoine de la région.
Un menu spécial terroir à haut contenu local
Voilà ce que vous trouverez au Meurice si la chance vous amène de ce côté, un menu à plus de 70% constitué de ces aliments de Paris même ou de la grande région, contrairement à la proportion de 30% des cartes régulières du restaurant.
Une menace plane
Bien que des producteurs de spécialités régionales subsistent, ces microproducteurs, souvent en milieu urbain ou périurbain, sont constamment menacés par les développements résidentiels qui empiètent de plus en plus sur les espaces cultivables. Cela menace jusqu’à la disparition même d’une variété alimentaire, d’un terroir.
Ici comme en France, les gens ne perçoivent que trop rarement la valeur développée, productive et rentable des terres et espaces de production alimentaire au nom du « développement » immobilier qui est plus « rentable » côté taxation pour les pouvoirs locaux.
La solution?
Créer un groupe d’achat sous un modèle similaire à l’ASC où les chefs des restaurants de Paris garantissent d’acheter l’ensemble de la microproduction de ces produits particuliers.
Cette garantie d’achat permet aux microproducteurs de s’assurer un revenu et de pouvoir faire face aux pressions de vente des lieux de production de leurs variétés et aliments spécialisés constituant les microterroirs parisiens.
Une dégustation
Lors de cet atelier du goût, nous avons dégusté le « Gratiné des Halles avec croûtons de comté » ainsi que trois bières de la région et deux cidres.
Le verdict, délicieux, mais étonnant. En effet, je m’attendais personnellement à déguster des vins, mais la région de Paris est de loin beaucoup plus propice à la production de bières et de cidre que de quelques vins que ce soit.
Les bières
Les trois bières sont originaires de la Brasserie Volceleste, en Vallée de la Chevreuse, furent présentées de la plus légère à la plus corsée. Cette brasserie fut fondée en 2006 et opérée par Emmanuel Rey, qui confectionne des bières à partir de ces propres céréales, soit le froment et l’orge. Personnellement j’ai de loin préféré sa bière brune, la plus corsée, mais la plus intéressante côté complexité organoleptique.
Les cidres
Les cidres quant à eux furent excellents tout simplement, un tranquille et un doux qui possède des arômes fort intéressants. Le producteur, la famille Faillis, utilisent des assemblages de plus d’une vingtaine de variétés, ce qui permet d’obtenir une signature particulière dans le goût, bien balancé par le savoir-faire du producteur.
Mot de la faim
En somme, ce coffret de Yannick Alléno est des plus intéressant, pour les yeux comme la bouche. Le genre de rencontre sous le format atelier du goût fut des plus privilégiés et une expérience fort agréable.
Je terminerai ce billet simplement par une citation de Yannick Alléno
« Sans grands produits il n’y a pas de grande cuisine »