Batavia américaine : La réhabilitation d’un iceberg

Et voilà! Comme promis voici un article sur la laitue-Iceberg qui fait suite à la diffusion du reportage de L’Épicerie en date du 2 juin 2010 auquel j’ai participé en commentant l’histoire de cette laitue icône pendant près de 40 ans dans nos cuisines.

La laitue-Iceberg, classique du frigo québécois jusqu’à la fin des années 1980 est-il encore présent dans votre alimentation? Avoués que vous avez délaissé ce légume feuille au goût plutôt neutre pour essayer d’autres laitues de spécialité dans les années 1990. Mais aujourd’hui qu’en est-il?

Alors que cette laitue fait fureur en chine avec l’apparition de chaînes de restauration rapide et qu’elle est perçue comme légume de spécialité en France et en Europe, il est moment de se questionner sur ce qui advient chez nous de ce roi indétrônable de la salade.

D’où vient le nom?

La Batavia américaine adoptera le nom « Iceberg » en référence aux Américains qui, dans les années 1930, adoptent le train comme mode de transport, en caisses chargées sur la glace, chargées dans un train en direction des principaux marchés de l’est des États-Unis et du nord de l’Amérique.

Son origine!

Au début du XIXe siècle, seules 5 variétés de laitues étaient connues et définies. La laitue-Iceberg n’était pas de celles-ci. La variété est complètement inconnue dans les écrits du temps, dont le célèbre « Origine des plantes cultivées », publié par Alphonse de Candolle en 1886.

Il est intéressant de noter que les laitues-feuilles sont perçues pendant longtemps comme une mauvaise herbe en Europe et que seules quelques variétés pommées développées au XVe siècle étaient consommées.

Le développement de la Iceberg est en liens avec les premières applications de l’industrialisation technologique à l’alimentation à la fin du XIXe siècle et qui s’accélérera après la Deuxième Guerre mondiale.

Dérivée de la Batavia européenne, nous devons son développement à un dénommé Washington Atlee Burpee de Philadelphie. Elle n’est pas issue du croisement naturel entre variétés de laitues, mais fut créée par pollinisation croisée induite par l’homme et commercialisée en 1894 par la compagnie W. Atlee Burpee Seed compagny.

Qui est Atlee Burpee?

Burpee est un jeune homme ambitieux qui se passionne depuis de nombreuses années pour les croisements génétiques de poulets et autres espèces animales. Aux désarrois de son père, il quitte ses études en médecine vers ses 18 ans pour fonder sa compagnie de vente d’animaux par catalogue, financée par sa mère pour participer à l’Exposition universelle de Philadelphie.

Suite à son succès et des demandes pour végétaux de la part des agriculteurs immigrés, Burpee fini par ajouter une ligne de végétaux à ses catalogues en provenance d’Europe principalement. Après quelques années et étant devenus la plus grande entreprise de distribution par catalogue, Atlee Burpee fonde une ferme expérimentale en Californie où il développera la majorité de ces cultivars de légumes adaptés aux conditions américaines, mais aussi sa production de fleurs.

Raisons de sa popularité

Cette laitue cultivée à l’origine en Californie remplace rapidement les laitues pommées traditionnelles qui ont la fâcheuse habitude à s’échauffer dans les transports et de mal résister au froid des convois sur glace.

À une époque où la chaîne du froid dans les transports est encore mal maîtrisée, cette résistance au froid et sa capacité de conservation prolongée en font une laitue qui bat toute compétition. De plus, disponible à l’année, peu coûteuse et avec un goût neutre et sans amertumes, on peut l’apprêter à toutes les sauces.

La laitue-Iceberg avec ses feuilles craquantes, son côté rafraîchissant en fait aujourd’hui une vedette dans les chaînes de restauration rapide de par le monde. Cette popularité est très visible aussi en Chine qui est à ce jour le premier producteur mondial selon la FAO (2004)

Une forte compétition :

Bien que bien présente dans les recettes traditionnelles du Québec, elle fait face maintenant à de multiples compétiteurs de spécialités, importées ici par les communautés culturelles. En perte de vitesse face aux laitues Boston, Romaine et divers  pousses de spécialités, elle est noyée par la masse de choix disponible dans les marchés d’alimentation. Depuis la fin des années 1980, la Iceberg se voit surtout relégué aux oubliettes de la restauration rapide.

Pour en savoir plus

Atlee Burpee seed compagny

Reportage de L’Épicerie 2 juin 2010

Bobby Grégoire

Spécialiste en gastronomie historique